Il a plu sur la campagne
Pendant des jours et des nuits
De l’eau claire comme du cristal
A déferlé en flocons-gouttes
Elle a empli les prairies
Vagabondé sur les routes
Sur les côtes
Dans la terre
Extension du marécage
Bien au-delà de Carentan
Jusque dans l’arrière pays ornais
Non loin de Domfront
La Normandie est gorgée d’eau
Et ne connaît plus le soleil
Dans les villages, les églises
Veillent avec peine au respect
Au respect du tracé des cours d’eau
Elles sont si hautes
Si hautaines
Et la campagne est si basse
Si belle
Une presqu’île de granit et de grès
Effritée par le temps
Herbe folle, verte et grasse
Villages dispersés
Habitat rare
Tout n’est que ruine car tout est fermé
Alors on cherche les campagnards
Timides, ils se sont cachés
On leur a bien dit de le faire
Et d’oublier tous leurs plaisirs
Désormais, ils sont tous chez eux
Autant dire qu’ils ne sont plus là
Mais l’excuse existe ; il pleut
Il fait froid
Et il y a des règles à respecter
Ne surtout pas transpirer
En hiver, ce serait incorrect
Ne surtout pas se mélanger
Dans et hors les domiciles
Voilà pour la citoyenneté
Il y a des siècles que l’on n’avait point vu le soleil
Mais jeudi sur la lande de Lessay
Il miroita pour quelques temps
Tôt le matin, dispersant la brume
Il attaqua les gouttes
Assécha les flaques
Se fraya un chemin jusque dans la forêt
Et, spectateurs non avertis
Nous vîmes alors les épineux
Entrer dans une transe folle
Rendre leur humidité
Souffler une vapeur interdite
Exhaler quelques chaleurs oubliées
Bien plus libres que nous
En attendant d’être abattus
Un jour peut-être
Et tandis que nous regardions
La vapeur d’eau monter dans les airs
Nos pieds encore trempés
Gelés par les trous des chaussures
Nous commençâmes à notre tour
À éprouver quelques chaleurs
Perturbés par ces imperturbables conifères
Au bord de la route départementale
Qui veillent sur leurs congénères
En leur soufflant dessus
Maudite champignonnière en devenir
Que ce havre trempé jusqu’à l’os
Réveillé par un coup de soleil.
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