Minuit moins une

///Minuit moins une

C’est fou, ces gens qui se sentent le besoin d’inventer des mensonges pour noircir une situation pourtant déjà bien noire. Sur les réseaux, nous avons tous.tes été confronté.es à l’une de ces vidéos convoquant tel ou tel médecin, tel ou tel “spécialiste de” ou tel politicien “engagé dans la défense du peuple”. Leurs discours ont beau être délirants, ne pas tenir compte des faits ou traduire une certaine forme de parano, on les écoute. Pourquoi? Parce qu’ils s’opposent.

Les “conspis” et autres loufoques ne viennent pas de nulle part: ils s’engouffrent dans les trous. Et depuis que tout le monde a constaté que les autorités, en France, se foutent de nous (en vrai, on le sait depuis le début, pour ceux et celles qui suivent), mentent, manipulent les chiffres, créent de la peur jusqu’à la déraison, il y a un grand vide. Dans quelle situation sommes-nous? Où va-t-on? Quelles portes de sorties à ce marasme sont disponibles? Toutes ces interrogations légitimes ont des réponses, mais personne ne les propose. A la place, nous avons droit à Docteur Machin, médecin radié de l’INSERM ou Odile Truquemuche, spécialiste de la PNL pour nous fournir des réponses toutes prêtes. Quand ils disent que l’on devrait se méfier de notre gouvernement, ils ont raison. Mais pourquoi se sentent-ils obligés de manipuler eux aussi les chiffres, de proférer de gros mensonges, voire d’inventer une théorie du complot? Pourquoi passent-ils des heures à produire des documentaires, pourquoi animent-ils des conférences dans lesquels ils mentent sur leur diplôme, falsifient des faits, invoquent un complot satanique?

Nous, on gobe ça, sans rien dire. A l’heure où on parle, ce sont ces insultes à l’intelligence qui font office de contre-pouvoir, parce que personne ne dit rien. Quand je dis “personne”, je ne parle pas bien sûr des tas de personnes qui ont compris où nous nous trouvions: dans un beau merdier où nous devons protéger ceux et celles qui en ont besoin sans devenir hypocondriaques nous-mêmes au cas où on serait bien portants. Sans oublier que le gouvernement est en train de nous la faire à l’envers, utilisant l’épidémie et la peur pour invisibiliser tous les autres problèmes et contrôler davantage la population (notamment par des lois liberticides). Mais en fait, on pourrait s’arrêter à ce constat. On pourrait même l’étayer, en faire nous aussi des documentaires en temps réel, des écrits, des chansons, que sais-je encore, en attendant de leur piétiner la gueule en vrai.
Sauf qu’on a la flemme. Et c’est dommage d’avoir la flemme, parce qu’on laisse la parole au Docteur Machin et Odile Truquemuche, qui peu à peu peuplent le vide. Et parce qu’on se laisse voler les mots d’ordre, et les mots, quoi de plus important quand on vit une situation comme celle-ci? Visiblement, la gauche institutionnelle ne se presse pas trop pour le faire non plus, à part dans quelques enclaves isolées (Mediapart, par exemple), trop occupée à se faire hara-kiri en négociant le poids des chaînes. Du coup, l’extrême droite avance ses pions, elle scrute ce qu’il se passe, elle se dit qu’elle nous ferait bien le coup de Trump 2016, après tout, la vérité n’existe plus, les faits sont têtus mais ils sont défaits. La réalité alternative est devenue populaire. Alors pourquoi se priver?

Bref, quand on consulte un document en ligne, première question à se poser: quelle est l’intention de l’auteur? Le gars qu’a fait la vidéo utilise sans doute des vérités dans son discours, sinon tu ne serais pas convaincu. Mais essaye au moins de te dire le plus souvent possible que ce gars a peut-être pas le même agenda que toi, citoyen.ne curieux.se qui veut en découdre. S’il a besoin de te raconter n’importe quoi, c’est que la réalité ne lui suffit pas: donc c’est qu’il a besoin de la transformer. Pour X raisons: politiques, religieuses, parfois de bonne foi, quand le type s’est fait avoir et répète les mensonges des autres. Mais putain, des raisons d’être en colère, y’en a tellement. Des raisons d’en découdre, une palanquée. Inutile d’en inventer. Privations des libertés élémentaires, inégalités qui se creusent, autoritarisme d’Etat, tout le pouvoir à la police, racisme banalisé, mépris flagrant, destruction de nos services publics, paupérisation, excitation des fachos du pays à chaque polémique : la situation est tellement criante d’injustice qu’elle se suffit à elle-même. Le travail est déjà mastodontesque.

Maintenant, il va être l’heure d’utiliser son cerveau et de faire du bruit. Mais vite, parce que le silence crée de la désespérance. Vite, hein, car après minuit, il sera trop tard.

2020-11-11T17:10:01+01:00

One Comment

  1. […] Pour terminer, je pose une question qu’adorent poser ceux et celles que l’on appelle les conspirationnistes : à qui profite le crime ? Dans le cas de Hold Up, la réponse paraît désormais évidente : au gouvernement sur le court terme, et sur le long terme à des forces militantes qui ne sont pas les nôtres. Des personnes se lèvent aujourd’hui pour mettre à bas la pensée rationnelle en exploitant ses failles. Des forces issues du monde du privé, tout à fait compatibles avec le macronisme et ses vérités alternatives, qui pourraient tout à fait souscrire à une politique d’austérité, du moment que celle-ci s’attaquerait au régime de Sécurité Sociale et déboucherait sur une médecine à deux vitesses dans le cadre de laquelle ils pourraient se lancer dans de nouveaux marchés. Toute crise provoque du brouillard, surtout lorsque la défiance est au plus haut. Les exemples historiques sont nombreux. Pour rappel, les sociaux-démocrates de la République de Weimar avaient été si infâmes qu’ils ont permis à l’une des pires dictatures de l’Histoire de s’installer dans les années 30, après avoir écrasé les marxistes allemands et dans un bouillonnement intellectuel européen réactionnaire intense qu’on a appelé le fascisme. Camarades marxistes, anarchistes et révolutionnaires, nous n’avons désormais plus le droit à l’erreur et sommes placés face à une responsabilité écrasante. Grève, blocages, occupations, désobéissance civile : il devient urgent de nous ressaisir de tous les moyens de lutte à notre disposition. Vite, car il est minuit moins une. […]

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