Nouveau monde

Il est interdit d’interdire

De travailler

Il est autorisé d’autoriser

À consommer

Dans la limite des stocks disponibles

Et jusqu’à vingt-deux heures

Couvre-feu oblige

Mais attention au superflu

On te voit marcher dans ta rue

T’épanouir, endimanché

Attention à ne pas trop en profiter

Ton plaisir peut être le malheur

De ton prochain

Tu n’as pas envie

D’avoir des morts sur la conscience

Tu ne voudrais pas

Retarder le plan de relance

Alors assis, assis, assis

Rentre chez toi, sers-toi un pastis

Mets-toi à l’aise

Littéralement

Fais comme chez toi

Et oublie ces derniers mois

Ces dernières années

Ces derniers siècles

Oublie ton bonheur d’avant

Et fabrique-en un autre pour maintenant

Avance, et même masqué

Oblitère ton ticket

Oublie les fêtes, les anniversaires

La Terre ne tourne plus

Littéralement

Tout cela est annulé

Tout cela, c’était hier

Alors respire, mais pas trop fort

Il faut respecter son prochain

Esquive l’odeur de la mort

Comme tu esquives tes voisins

Tous les matins

Pas de baisers, pas de musique

Tu risquerais de faire venir à toi

Une compagnie trop éclectique

Reste à l’écart pour le café

Car si tu te changes les idées

Tu n’auras plus la concentration nécessaire

Pour revenir à ton présent

Pour revêtir ton déguisement

De bienheureux fonctionnaire

Qui fonctionne, qui sait faire semblant

Ou bien celui du prolétaire

Appelé à produire toujours plus

Pour des pays inatteignables

En autobus

Faire semblant que tout est normal

Littéralement

Voilà tout ce que l’on demande

Cela ne fait pas mal

Cela n’est pas grand-chose

Cela ne coûte rien

Cela peut même rapporter gros

Alors essuies tes larmes

Remets-toi dans les rangs

Ne discute plus, tu n’as plus le temps

Il fallait profiter de ces choses-là avant

Avant le Grand Confinement.

2020-10-14T16:11:14+01:00

Leave A Comment