Que devenons-nous
Durant la Pandémie
Pan veut dire “tous”
Tousse
Démos signifie “peuple”
Ou quelque chose comme ça
Peuple de l’abîme
Pas au fond, mais juste au bord
Assez pour entrapercevoir
La fin de ce temps-là
Ce temps où l’on pouvait sortir
Nus sous nos vêtements
Pour niaiser insouciants
Ce temps où l’on serrait des pognes
Même de manière hypocrite
Où l’on faisait la bise
Même de manière apocryphe
C’était un temps de liberté
Malgré tout ce que l’on pouvait en dire
Un temps de créativité
Parti en fumée
Où l’on jouait à chat
Où l’on buvait des coups
Sans se préoccuper de la fin du monde
Ou plutôt si, on s’en préoccupait
Mais on disposait encore de moyens sûrs
Humains
De ne pas sombrer dans la folie
De ne pas terminer le mois moins vite
Qu’une plaquette d’antidépresseurs
Désormais, les mots comptent pour du beurre
La démocratie c’est
Travaille ou reste chez toi
Ou les deux
Peu importe
Le sport c’est un tapis de sol
Face à un écran seize pouces
Tousse
Parfois moins
Une bêtise c’est oser
Faire la fête à plus de six
En risquant quelques années de prison
Parfois plus de six
Le minimum syndical
C’est devenu le port du masque
Dans toutes les administrations
Et le respect des protocoles
Proto-lutte
Attrape-ça et ronge
Ça t’occupera pendant un moment
Assez longtemps, il faut le dire
On n’en voit pas le bout
Ni la fin
Parfois on en fait des cauchemars
Ces masques
Les porterons-nous pour toujours
Est-ce cela l’avancée sanitaire majeure
De notre XXIe siècle
De notre nouveau monde
Et que deviendrons alors
Les élans collectifs
Les sports à plusieurs
Les théâtres et les salles de concert
Au moins il n’y aura pas
De second massacre au Bataclan
Voilà ce que se disent ceux et celles
Optimistes et bienheureux
Qui veulent bien se contenter
D’un tel progrès
Du moment qu’ils peuvent continuer
À boire des bières et à manger des chips
Devant un écran télévisé
Toujours alimenté
Allumé à jamais
Après tout l’ouvrier d’aujourd’hui
N’a pas à se plaindre
Contrairement à celui d’hier
Il a accès à Netflix et des oranges toute l’année
Des cadeaux à Noël
Même sans invités
Et des canettes en packs de douze
À décapsuler
Moins cher que les bistrots
Tous fermés
Ça le poussera, l’ouvrier
À économiser
À se responsabiliser
Peut-être pourra-t-il, l’ouvrier
Se payer une Clio
D’ici quelques années
Et dans l’ancien monde
Quand on demandait de nos nouvelles
On répondait nonchalamment
Un ça va ça va insouciant
Désormais on n’ose plus
De peur de froisser
De peur surtout de se souvenir
Qu’on prend sur soi en le disant
Et qu’on n’y avait même pas pensé
Et que les souvenirs d’avant
Nous font franchement regretter
La société des loisirs
La société des soupirs
Tant honnie par
Nos intellos de gauche et de droite
Responsables, malléables
En fonction de l’air qu’ils respirent.
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