Toi l’Auvergnat aux cheveux longs
À la peau noire de toute façon
Pas vraiment la tête d’un bougnat
Ni une gueule à parler patois
Avec tes dreadlocks jusqu’aux fesses
Et ta dégaine de métèque
T’as effrayé plus d’un raciste
Dans cette république bananière
Inhospitalière
Pour celles et ceux qui n’entrent pas
Dans la norme des péquins du coin
Arrivés seuls par un vallon
Bien caché derrière les fougères
Derrières les volcans
Majestueusement éteints
Lave figée mais sans dédain
Pour l’arrivée des nouveaux-nés
Dans un petit village perdu
Où cinq cent âmes subsistaient
Derrière une vieille lave brûlante
Fendue par le froid en hiver
Loin des convenances civilisées
Loin de convenir à tout le monde
C’est là-bas que t’es arrivé
C’est là-bas que tu t’es entraîné
À peaufiner ton rapport au monde
Avant d’arriver à Paris
Où africain tu as été
Malgré toi dans les yeux des autres
Blancs, noirs et assimilés
Fac-similés
Et tu as rencontré la ville
Peuplée de filles, de son, de souffre
Et vingt-cinq ans passés dans ce gouffre
Ont fabriqué un nouveau fils
Bien à l’abri des remontrances
Remontant à ta tendre enfance
Sous les volutes de fumée
Un arrière-goût de rhum ambré
Dans un concert de Burning Spear
Avec une blonde à tes côtés
Ou une métisse débarquée
Des Antilles
Cela dépendait des jours
Vingt-cinq ans dans ce tiroir
Appelé Île-de-France, sans espoir
Autre qu’un travail bien fait
Et une vie à consommer
À vitesse grand V
Puis sur les falaises de la Manche
À quarante ans tu te retranches
Et dans ton jardin poussent encore
De drôles de plantes qui valent de l’or
Et des tomates peuplées d’araignées
Qui sur un air de reggae
Te rappellent les montagnes d’antan
Que tu as revues décidément
Trop loin des Caraïbes où tu aurais voulu
Revenir une fois moins fourbu
Car tu t’y sentais comme chez toi
Parmi les déracinés, là-bas.
Caen, 10 avril 2021
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