Je suis réactionnaire
D’il y a quelques années
Je préférais le temps
Où le soleil d’été
Nous faisait oublier la neige de l’hiver
Quand solidarité
N’était pas un gros mot
Aujourd’hui tout va vite
Et l’on se fait encore appeler
Escargots
Nostalgique je suis concernant mes ennemis
Naguère ceux-ci avaient le goût de la courtoisie
Certes, ils mentaient déjà
Tous les jours
Mais ils ne faisaient pas
De leurs bobards
Une politique
Transformant les citoyens en cas cliniques
À force de perturber le sol
Sous leurs séismes idiomatiques
Sous leur torture langagière
On ne sait plus marcher droit
On a oublié
Les deux jambes du bébé
Même lui sait s’en servir
On ne lui a pas encore offert de smartphone faut dire
Quoique, dans certains foyers
Je suis réactionnaire d’une année
J’aimais bien cette heure d’hiver
Qui nous faisait regretter l’été
J’aimais bien cet automne dépressif
Cet hiver doux-amer
Cet hiver lors duquel nous sommes partis en guerre
Contre une réforme injuste, inique, crépusculaire
Rédigée par une bande de sous-actionnaires
On a perdu, c’est vrai, on a bu l’amer-bière
Un picon deux picons trois picons
Mais nous avons connu un peu de liberté
L’école buissonnière
Les manifs enchantées
La colère populaire capable de jeter
Un président hors de son théâtre
Avec quelques gilets et beaucoup de rancoeurs
Nous étions déjà quelque peu bâillonnés
Il fallait hurler
À bouche découverte
Désormais les jours se comptent en quinzaines
Notre société est tarie
Une rivière anastamosée
Elle a cassé les ponts reliant les villages
Il n’y a plus de spectacle
Que des endimanchés
Pressés de retrouver leur travail
Pour pouvoir discuter
De vive-voix, à l’abri des regards
Derrière la machine à café
Et tous, tous, nous sommes si désolés
De ne pas toujours comprendre
Ce qui s’abat sur nous
La télé le dit mieux que nous
Endimanchés
Tout est ouvert mais tout est fermé
Et nos corps sur eux-mêmes
Se rétractent en silence
Grève de la pensée
En attendant l’espérance.
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